La situation de l'archéologie française.

Communication de Gérard AIME
Président de la Féderation Française d'Archéologie
à la rencontre Elus - Archéologues organisée à l'initiative
de la Fédération Lorraine d'Archéologie - Nancy, 3 octobre 1999.

[ Introduction ] - [ La situation de crise créée par ces évolutions ]
[
Les perspectives à court terme ] - [ Analyse succincte du projet de loi ] - [ Conclusion
]

Mesdames et Messieurs les Parlementaires et Elus de Lorraine, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Chers Collègues.


La jeune Fédération Lorraine d'Archéologie, qui a pris la courageuse et louable initiative d'organiser notre rencontre d'aujourd'hui, m'a chargé de la redoutable mission d'ouvrir les débats par un exposé introductif. Je l'en remercie. Je vais donc m'efforcer d'entrer directement dans le vif du sujet en traçant les grandes lignes et en synthétisant les problèmes auxquels est confrontée l'archéologie française. Pour cela, un rapide historique s'impose, ainsi qu'une analyse de la crise permanente qu'elle traverse et qu'un examen de la réforme en cours dont nos assemblées auront prochainement à débattre.

Les deux dernières décennies ont connu une évolution rapide et nécessaire - Dès 1973 était créée, avec l'accord des ministères concernés, notamment celui de l'Economie et des Finances, une association loi 1901, l'A.F.A.N. (Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales). Son but premier était de fournir plus de souplesse dans l'attribution des crédits de fouilles. A l'époque, il n'était pas rare de voir les responsables de chantiers contraints d'avancer sur leurs deniers personnels la totalité des dépenses, celles-ci leur étant remboursées six mois voire un an après la fin des travaux de l'année concernée. Une situation intolérable. Avec la création de l'A.F.A.N., ils recevaient désormais une avance correspondant à la moitié du budget de la fouille, le reste leur étant remboursé sur fourniture de justificatifs. L'A.F.A.N. a, dès ses débuts, incité les responsables d'opérations à recruter des vacataires : il s'agissait, pour l'essentiel, de jeunes diplômés en Histoire de l'Art et Archéologie, formés dans les universités, et désireux de faire de l'archéologie leur métier. Au début, il s'est agi de vacations horaires mises à la disposition du responsable qui conservait la liberté d'attribuer à sa guise les vacations concernées, moyennant un contrat en bonne et due forme passé avec l'association.

Les responsables de chantiers, qui étaient encore majoritairement des archéologues bénévoles, ont joué le jeu et ont ainsi contribué à dispenser à ces vacataires une expérience de terrain, complément indispensable de la formation universitaire initiale. C'est ainsi que s'est progressivement mis en place un corps d'archéologues rétribués à statut précaire. Avec leur désir, légitime, de pérenniser leur "emploi" d'où la course aux contrats. Sur le plan financier, l'A.F.A.N. laissait les responsables d'opérations archéologiques percevoir directement les subventions locales qui venaient compléter la subvention d'Etat. Mais, très vite, des pressions furent exercées pour que ces contributions versées par les collectivités territoriales transitent par la comptabilité de l'A.F.A.N., autrement dit ne soient plus créditées au compte de la fouille mais à celui de l'A.F.A.N., laquelle, au passage, prélevait un pourcentage pour financer son propre fonctionnement.

Cette période fut aussi celle qui vit se développer les grands travaux (liaisons routières et autoroutières, ferroviaires, fluviales) ainsi que les aménagements des périphéries des villes (zones économiques) et la réhabilitation des centres villes. Cela entraina très vite une croissance exponentielle des chantiers archéologiques à prendre en compte...et des moyens humains et financiers à mettre en oeuvre. Or le budget attribué à la Culture était particulièrement modeste et, au sein de celui-ci, celui réservé à l'archéologie quasi symbolique. D'autre part, les archéologues bénévoles qui ne pouvaient consacrer, à leur passion, que leurs temps de loisirs ne pouvaient ainsi répondre, quelles que fussent leurs compétences, à cette demande nouvelle. Précisément, grâce à l'A.F.A.N., il s'était progressivement formé un vivier de jeunes disponibles à l'année et aptes à se mobiliser rapidement sur tel ou tel chantier.

Restait la question des financements. L'augmentation du budget de la Culture décidée en 1981 ne suffisait pas à assurer les financements énormes. D'où l'idée de mettre à contribution les aménageurs eux-mêmes, comme cela se faisait déjà dans d'autres pays, notamment la Suisse. Parallèlement, le système des vacations horaires n'était plus adapté aux contraintes nouvelles. Il fallait doter les salariés recrutés de statuts plus fiables. Ce furent d'abord les C.D.D., formule souple qui permettait d'adapter les contrats à la durée prévue des chantiers. Puis, sous la pression de leurs syndicats, particulièrement actifs, les salariés de l'A.F.A.N. obtinrent la transformation d'un nombre non négligeable de C.D.D. en C.D.I. -

Durant la même période, les anciennes circonscriptions des Antiquités Historiques et Préhistoriques, bicéphales au départ et confiées pour la plupart à d'éminents professeurs d'Université, devenaient des Directions uniques, puis les Services Régionaux de l'Archéologie avec, à leur tête, des administratifs placés sous la tutelle des D.R.A.C. et des préfets de région. Pour rester dans les structures administratives, l'administration générale de l'archéologie territoriale a été confiée à la Sous-Direction de l'Archéologie, dépendant de la Direction du Patrimoine au sein du ministère de la culture qui a, lui-même, changé de dénomination selon les gouvernements. Aujourd'hui : ministère de la culture et de la communication. L'archéologie est un domaine interministériel : Culture, Recherche, Education nationale, Affaires étrangères (pour les fouilles à l'étranger). Le seul organisme où se retrouvent structurellement ces différentes administrations est le C.N.R.A., Conseil National de la Recherche Archéologique (ex- C.S.R.A. : Conseil Supérieur de...).

Le C.N.R.A. (ex C.S.R.A.) est un conseil consultatif placé auprès du ministre en charge de l'archéologie et ayant pour mission d' élaborer la politique de recherche : programmation de la recherche archéologique autour de thèmes et d'objectifs, examen des demandes d'autorisation, etc. - Devant le développement rapide des chantiers ouverts ou à ouvrir, il est apparu que le C.N.R.A., même siégeant en commission restreinte, ne pouvait plus assumer toutes les demandes d'autorisation. D'où un effort de déconcentration avec la création des C.I.R.A. (Commissions Interrégionales de la Recherche Archéologique), émanations directes du C.N.R.A. à l'origine, destinées à examiner, au niveau de l'interrégion, les demandes d'opérations, le C.N.R.A. se réservant l'examen des grands chantiers nationaux et servant de recours aux demandeurs déboutés par les C.I.R.A. -

Dire que rien n'a été fait en ces vingt années pour faire évoluer l'archéologie française et son organisation serait un mensonge. Durant ces vingt et quelques années, elle a connu une mutation profonde, une quasi révolution. Mais des transformations aussi rapides ont créé des clivages, des fractures mêmes. De plus, comme c'est souvent le cas, les choses ont évolué sur le terrain plus vite que le cadre législatif et réglementaire existant.


La situation de crise créée par ces évolutions

Le premier constat est que l'archéologie est devenue préventive, professionnelle et financée par les aménageurs. L'archéologie préventive représente aujourd'hui 90 % des opérations archéologiques de terrain et draine des sommes considérables. L'archéologie dite "programmée" et qui n'est pas inscrite dans l'urgence, sans un calendrier serré à respecter à tout prix, est donc devenue le parent pauvre de l'archéologie française. Le premier résultat a été la mise hors circuit, pour ne pas dire l' élimination de tout un faisceau de spécialistes et de compétences jusque-là reconnus dont on a dès lors estimé qu'ils n'avaient plus leur place dans ce nouveau contexte : universitaires, chercheurs CNRS, personnels de musées, archéologues de collectivités territoriales et, bien entendu, bénévoles. On a ainsi abouti à une situation de quasi monopole de l'A.F.A.N - Monopole au niveau de la gestion financière (reconnue correcte par Bercy et par la Cour des Comptes) ; quasi monopole au niveau de l'attribution des chantiers : en archéologie préventive, c'est évident, mais aussi dans les autres compartiments de l'archéologie. L'Association, dotée de vastes moyens, a su se structurer, renforcer ses équipes dans tous les domaines de la recherche et, il faut le reconnaître aujourd'hui, l'efficacité et la qualité des prestations fournies ; leurs coûts, en revanche, font grincer bien des dents. Il demeure néanmoins des ombres : le manque d'esprit de coopération scientifique avec les autres composantes de l'archéologie et un esprit corporatiste étroit qui facilitent peu la coopération avec ces dernières.

Cela a créé un état de crise quasi permanent. Crise larvée, quasi clandestine, dont l'opinion n'a eu vent qu'à de rares occasions, lorsque des manifestations un peu médiatisées ont éclaté : l'affaire de Rodez, et d'autres plus récentes, ponctuées par des grèves de personnels salariés, occupations de DRAC ou du ministère, manifestations diverses. Il s'agissait là de sautes d'humeur des professionnels, relayées et orchestrées par leurs syndicats. Une autre crise, moins visible et moins tonitruante mais parfaitement quantifiable, se déroulait en parallèle. Elle affectait entre autres le milieu universitaire et le milieu bénévole. Des universitaires chargés d'enseigner l'archéologie se sont vu refuser des autorisations de fouilles et placés dans l'incapacité de proposer, à leurs étudiants, des stages de terrains pourtant indispensables à leur formation. Dans le monde bénévole, on a vu disparaître, en quelques années, des associations qui, depuis des lustres, avaient oeuvré pour la découverte, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine de leur commune ou canton. On a vu se fermer des musées associatifs locaux où, pendant des générations, on avait patiemment recueilli, restauré et exposé le produit de dizaines d'années de patientes recherches. La Lorraine, à cet égard, a été spécialement sinistrée. Cette crise profonde, durable, est toujours là. Sans éruption tapageuse ni médiatisation.

Je ne ferai qu'évoquer, en passant, d'autres conséquences de ces évolutions : les tensions fréquentes entre les institutionnels que sont les personnels des S.R.A. et les salariés de l'A.F.A.N. - Elles ne sont pas systématiques. EIles ne sont pas rares. Le cas aussi de ces archéologues de collectivités territoriales qui se voient refuser des autorisations de fouilles pourtant présentées en bonne et due forme, etc.

Autre dysfonctionnement : les C.I.R.A., au début émanation du C.N.R.A., ont vu gonfler à ce point leurs prérogatives que ce sont elles aujourd'hui qui désignent leurs représentants au C.N.R.A. - Celui-ci étant amené à jouer le rôle de recours en cas de litige entre un demandeur d'autorisation et la C.I.R.A. qui a émis l'avis défavorable, on est en droit de s'interroger sur la démocratie en ce domaine. Ce même C.N.R.A., par principe conseil rapproché auprès du ministre, a été quasiment courcircuité dans le cadre de la "concertation" menée pour une réforme de l'archéologie préventive, actuellement en cours, au point que ce C.N.R.A. a failli démissionner en bloc : je cite :

"...le Conseil National de la Recherche Archéologique décline toute responsabilité et exprime vigoureusement sa désapprobation sur la procédure suivie dans la préparation des décisions et ses inquiétudes sur les mesures annoncées. Si le CNRA, pour que sa position soit entendue, n'a pas démissionné unanimement voici deux mois, c'est uniquement pour respecter la lettre de sa mission qui est d'émettre auprès du ministre des avis scientifiquement motivés, et pour éviter une vacance qui s'était avérée préjudiciable à la recherche lors de la démission du précédent CSRA."

L'archéologie est donc bien en crise, voire en situation de blocage, chacun campant sur ses positions mais avançant subrepticement ses pions. Pour rester dans le langage imagé de la stratégie militaire, quelles sont les forces en présence ?

Le gros bataillon, le mieux armé et le mieux doté en moyens est l'A.F.A.N. - Je cite ses propres chiffres : "921 salariés, ouvriers, techniciens, ingénieurs, appartenant à la filière recherche et technique, tandis que, répartis entre le siège social et les antennes interrégionales, 89 salariés assurent les tâches administratives (chiffres d'avril 1999). (...) l' AFAN fait temporairement appel à du personnel qualifié qui vient renforcer les équipes permanentes."

Les autres potentiels sont plus difficiles à décompter. Pour la Sous-Direction de l'Archéologie, tous services centraux et régionaux confondus, on comptait, en 1995, 382 salariés titulaires et 152 non titulaires.

Je ne possède pas les chiffres des chercheurs du CNRS ni ceux des Universitaires spécialisés en archéologie, pas davantage ceux des archéologues territoriaux dont le nombre devrait osciller autour de 250.

Quant aux bénévoles, ils sont eux aussi difficiles à comptabiliser. D'abord parce qu'ils se répartissent entre individuels et membres d'associations. Ces dernières sont souvent mixtes (Société d'Histoire et d'Archéologie, Société d'Emulation, les Amis du Vieux-...., etc.) et il n'est pas facile de distinguer, au sein de ces associations, ceux qui oeuvrent réellement pour l'archéologie. Nous possédons du moins une référence fiable : les adhérents à la Fédération Française d'Archéologie : un peu plus de mille personnes. Les bénévoles fédérés constituent donc un contingent numériquement comparable à celui des salariés, tous statuts confondus. Les bénévoles sont beaucoup plus nombreux en fait et dépassent en effectifs les professionnels. Cette évaluation des forces faite, allons-nous assister à une bataille sanglante ? Nous souhaitons, pour notre part qu'il n'en soit rien. Mais que l'on ne nous pousse pas au désespoir.


Les perspectives à court terme

Le changement de gouvernement intervenu après les élections législatives de juin 1997 a interrompu le processus de large concertation sur l'archéologie préventive initié par Philippe DOUSTE-BLAZY, prédécesseur de Catherine TRAUTMANN. Concrétisé par des tables rondes régionales et une table ronde nationale auxquelles tous les acteurs de l'archéologie ou presque avaient été conviés, cette concertation devait déboucher sur des Assises Nationales de l'Archéologie Préventive...qui n'eurent jamais lieu. Madame TRAUTMANN, dans ses différents écrits, a assuré qu'elle tenait compte de ce qui s'était dit et fait lors de ces rencontres, mais, lors des "concertations" qu'elle a lancées à son tour, elle a "oublié" un certain nombre d'acteurs de l'archéologie, dont les bénévoles. Ce qui a entraîné de notre part une vive riposte, directe et par parlementaires interposés.

Dès octobre 1997, en effet, elle a confié à trois personnalités le soin de faire des propositions en vue de légiférer sur l'archéologie préventive qui a pris un tel embonpoint dans le paysage archéologique de notre pays. Ce fut le rapport DEMOULE, POIGNANT, PECHEUR. Ce n'était pas le premier rapport, tant s'en faut ! Depuis le rapport SOUSTELLE, en passant par le rapport GOUDINEAU et les rapports GAUTHIER (j'en passe...), chaque ministre y est allé de son rapport qui est venu mourir dans les oubliettes poussiéreuses du ministère. Or tous les acteurs de l'archéologie, du fouilleur de terrain au ministre, s'accordaient à dire qu'une réforme était urgente, que la loi de 1941, dite loi Carcopino, n'était plus adaptée aux réalités de l'archéologie d'aujourd'hui. De plus, la France avait signé la Convention de Malte qui lui conférait des obligations en matière, notamment, d'archéologie préventive.

Il faut reconnaître que Catherine TRAUTMANN a voulu faire et dans des délais rapprochés ce que ses prédécesseurs n'avaient pu ou voulu réaliser (à l'exception peut-être de Philippe DOUSTE-BLAZY que les échéances électorales ont empêché d'aller jusqu'au terme de sa démarche, pourtant bien engagée).

Vite, c'est le mot qui convient. La ministre confie la mission aux trois "sages" le 12 octobre 1998. Ils rendent leur copie le 18 novembre, un peu plus d'un mois après. Après deux réunions interministérielles les 27 novembre et 10 décembre 1998, le ministère peaufine le projet de loi portant réforme de l'archéologie préventive. Celui-ci, qui recevra quelques retouches de détail au premier trimestre 1999, est finalement présenté et adopté lors du Conseil des Ministres du 5 mai 1999. Il arrivera en discussion au Parlement dès janvier 2000.

Vite : le résumé que je viens de faire est éloquent. Bien ? C'est une autre affaire. Le texte, à notre sens, comporte de nombreux points positifs mais aussi de graves lacunes et même des erreurs, notamment en ce qui concerne les modes de financement. D'où notre mobilisation, non médiatisée mais en profondeur auprès, en particulier, de parlementaires des deux assemblées et de tous les groupes politiques pour les sensibiliser aux problèmes.


Analyse succincte du projet de loi portant réforme de l'archéologie préventive

Il y a, dans ce projet, des points positifs. Il fallait un cadre juridique pour encadrer cette archéologie préventive devenue à ce point prépondérante. Jusque-là, dans un vide juridique complet, les Services Régionaux de l'Archéologie étaient contraints de négocier, cas par cas, avec les aménageurs pour les convaincre de la nécessité de procéder, préalablement à l'ouverture des travaux, à un diagnostic du risque archéologique (par des sondages exploratoires) et, en cas de résultat positif, d'organiser des fouilles préventives dans un délai donné et sous une enveloppe budgétaire précise consignées dans un contrat. C'était à chaque fois de longues tractations aboutissant, selon les régions et les aménageurs, à d'énormes distorsions. Un cadre législatif et réglementaire unifiant et codifiant les procédures et les financements au niveau national était une nécessité attendue. Le texte répond à cette exigence de principe.

Il était devenu urgent, face à la croissance de l'A.F.A.N. en matière d'effectifs, de fonds et de chantiers à gérer, de rechercher un nouveau statut, celui d'association loi 1901 n'étant plus adapté à ses prérogatives. Le choix de créer un Etablissement Public Administratif de Recherche Archéologique apparaît comme une réponse adéquate. Une façon de réaffirmer la prééminence de l'Etat en matière d'archéologie. Une manière aussi d'intégrer le potentiel humain et scientifique de l'A.F.A.N. dans une structure reconnue avec un statut stable.

Il était également souhaitable que fussent prises en compte de manière volontariste l'exploitation scientifique des fouilles d'archéologie préventive jusqu'à la publication et à la restitution au public des données recueillies, ce que l'A.F.A.N. ne faisait pas ou de façon fort insuffisante. En 1998, seules 10 % des fouilles d'archéologie préventive faisaient l'objet d'une publication : un gâchis intolérable !. Oui donc à la création, au sein du nouvel établissement, d'un conseil scientifique chargé d'élaborer et de coordonner toutes ces exigences nouvelles.

En contrepoint à ces aspects positifs, il en est qui le sont moins, qui soulignent la hâte, pour ne pas dire la précipitation dans laquelle ce projet a été ficelé.

Le premier a trait au monopole qualifié de "légal" dans un écrit de la ministre que sous-tend ce texte et qui reviendra à l'A.F.A.N. puisque tous les salariés actuels de cette association qui le souhaitent pourront intégrer le nouvel établissement. L'A.F.A.N., dans sa structure associative, ne s'est pas toujours montrée coopérative avec les autres composantes de l'archéologie. On peut redouter que son institutionnalisation de fait ne renforce son hégémonie au détriment des autres acteurs de l'archéologie. Ceci est d'autant plus vrai que la définition de l'archéologie préventive que donne l'article premier du projet de loi englobe la détection des sites (autrement dit la prospection - inventaire conduite dans le cadre de la carte archéologique, opération à laquelle ont encore accès quelques bénévoles), les opérations de diagnostic (les sondages exploratoires et évaluations de sites), les fouilles, le travail post-fouille, la publication et la restitution au public. Autrement dit, la recherche archéologique de A à Z. C'est très bien, mais que reste-t-il aux autres intervenants sachant, je le répète, que cette archéologie préventive représente 90 % de l'ensemble des opérations menées en France et que, sur les 10 % restants, 1 % seulement revient aux bénévoles, d'après les chiffres mêmes du ministère (année 1995) ? Les archéologues de l'A.F.A.N., déjà peu partageux sous statut associatif le seront-ils davantage sous statut de salariés d'un Etablissement public ? On peut fortement en douter.

Ces craintes sont d'autant plus justifiées si l'on en juge par l' 'oubli" chronique que l'on constate de la part des services du ministère de certaines composantes - et non des moindres - de l'archéologie. La rédaction de l'article 2 du projet de loi est inacceptable dans sa formulation actuelle : le fait que le nouvel établissement public puisse "solliciter, en tant que de besoin" le concours de "personnes morales" disposant de "services de recherche archéologique" est inacceptable en l'état. Elle consacre un droit régalien à l'A.F.A.N. sacralisée et annonce la possible mise à l'écart - légale cette fois - de la plupart des autres acteurs de l'archéologie française, malgré les assurances réitérées de la ministre.

Mêmes objections concernant les modes de financement de cette archéologie préventive. Sous prétexte d'harmoniser les procédures et les régimes au niveau national, ce qui paraît légitime, le texte prévoit des barêmes réprtis entre des fourchettes tellement larges que l'aménageur aura beaucoup de mal à savoir combien lui coûtera, en fin de compte, l'archéologie préalable au démarrage de ses travaux. Monsieur Louis SOUVET, Sénateur du Doubs, vient d'ailleurs d'adresser cinq questions écrites à Madame la Ministre précisément sur ces questions de financement.


Conclusion

J'ai peut-être été un peu long. Je vous prie de m'en excuser. Long et insuffisamment précis à la fois. Je ne pouvais tout dire dans un simple exposé introductif. Je ne voulais pas faire un discours fleuve à la mode de certains dirigeants politiques. Je voulais seulement cadrer les problèmes. Ce sera, je suppose, l'objet du débat, maintenant, de les sérier de façon plus précise. Pour terminer, je dirai aux parlementaires présents : ne votez pas les yeux fermés le texte qui vous sera présenté. J'en ai souligné les qualités. J'en ai relevé les dangers. Le danger majeur est que ce projet, s'il passe en l'état, aboutira à amputer l'archéologie française des trois quarts de ses compétences.



Contacts:

Fédération Française d'Archéologie
1, rue de l'Epitaphe
25000 Besançon (France)

Tel/FAX : 03.81.50.50.17
e-mail : gerard.aime@wanadoo.fr

Voir aussi : http://www.britarch.ac.uk/forum/ffa.html


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